La spiritualité et ses variantes s’est construite en opposition aux religions institutionnelles. Plus libres, plus philosophiques, elles se revendiquent comme bienveillante, et oui, l’intention y est. Pourtant, nombre de communautés et de disciplines énergétiques s’enferment sans s’en apercevoir dans des schémas répandus dans notre culture et qui font barrière à cette belle intention de bienveillance. Aujourd’hui nous abordons l’un d’eux, celui de la hiérarchie spirituelle.

De l’échelle du spirituel

A l’aire du désamour du religieux, une nouvelle forme de foi prend place dans nos sociétés : Celle du spirituel.

Portées par des communautés ouvertes et éclectiques, les spiritualités se caractérisent par des pratiques sans contraintes, des frontières ouvertes permettant de circuler librement de l’une à l’autre, un état d’esprit que chacun pourra interpréter à sa manière plutôt qu’une doctrine, et… une forte proximité avec la pratique de disciplines énergétiques (méditation, reiki, magnétisme, lithothérapie…).

Le mouvement le plus représenté rassemble différents concepts comme la “mission de vie”, les “familles d’âmes”, ou encore les symboles exaltés de la fleur de vie. Refusant de se caractériser malgré le fort marketing à l’américaine dont il bénéficie, ce mouvement est qualifiés par ses observateurs de “Nouvel Age”.

Liberté de spiritualité n’est pas synonyme de liberté de réalisation de soi.

Pour trouver notre équilibre n’oublions par de prioriser l’écoute de soi à la fascination.

Julia Boschiero

Ces concepts à l’américaine, porteurs des spiritualité ouverte et promu à grands renfort des méthodes de communication les plus efficaces de l’industrie mettent en lumière les limites de l’idéal d’une spiritualité ouverte et sans dogmes. Comment rassembler les gens sans idées qui les rassemblent ? Comment apporter cette plus-value que nous attendons tous des miracles spirituels sans passer par une idéologie ?

L’expérience nous montre qu’assumée ou induite, l’idéologie s’installe immanquablement dans un groupe de personnes rassemblées autour d’un idéal. C’est ainsi un dogme involontaire mais bel et bien actif qui anime le Nouvel Âge et les pratiques énergétiques qui en découlent. Amour et bienveillance étant la loi, il faudra être plus bienveillant, plus lumineux, plus élevé, dans une escalade infinie entre les individus.

Si ce fonctionnement se constate au moins depuis le début des années 2000, nous pouvons aujourd’hui considérer qu’avec l’installation des soins énergétiques dans notre société, il n’est plus question des seuls enjeux des praticien·ne·s du Nouvel Âge, mais bien de l’influence que cette mouvance devenue un pilier de nos croyances modernes auront sur l’ensemble de notre population.

La forte proximité entre spiritualité et développement personnel ne nous y trompe pas, l’ambition naturelle n’est pas ici de toucher la foi (les ressortissants du nouvel âge se revendiquant de vérités personnelles et jamais d’opinions ou de croyances) mais bien d’influer sur la construction individuelle des personnes. Alors observons de près : Quelles sont les conséquences d’une course à l’élévation spirituelle sur notre construction personnelle ?

Le cours des miracles

Si toutes les grandes religions comportent une branche spirituelle consistant à proposer un cheminement initiatique intérieur à l’être, les spiritualités modernes n’adoptent pas le cheminement solitaire comme forme de réalisation concrète. En Nouvel Âge et dans ses dérivés, le niveau spirituel se voit et se mesure !

C’est ainsi que les “dons” innés (dits de naissance, ou de transmission sacrée), portant sur la médiumnité, le pendule, le magnétisme ou bien d’autres manifestations, sont placés en haute estime et attribués au personnes que les format·eur·rice·s et communautés reconnaissent comme exceptionnels. Toute image en méditation devient une révélation, tout tirage de cartes devient un message supérieur ou une mission… Nous sommes dans la spiritualité du phénoménal, où loin de garder un recul propice à l’observation, les manifestations énergétiques sont interprétées comme des miracles réservés à quelques élus disposant du pouvoir de se reconnaître entre eux.

L’humain est un animal social, et toute convention, identifiée ou non, aura des conséquences sur nos comportements en groupe. Si l’exaltation a concrètement pour effet d’augmenter nos perceptions énergétiques et d’accentuer ainsi l’impact réel des pratiques, elle a également pour conséquences de perturber nos repères au réel, d’atténuer notre capacité d’esprit critique, et de favoriser l’accueil irrationnel des convictions du groupe ou du·de la format·eur·rice.

L’enjeu n’est alors plus de trouver son rythme, ses propres repères, et son écoute de soi, mais d’avoir soi aussi son moment de miracle. Divination, soin aux autres ou histoire fantastique d’une vie antérieure invérifiable, qu’importe le flacon tant qu’on a l’ivresse.

Un tel cadre ne manquera pas de favoriser la relation d’emprise, qui se décline également en emprise communautaire.

Admiration et emprise...

Si le sentiment d’admiration nous indique intérieurement qu’une personne nous apporte quelque chose de rare, source d’enrichissement, il peut également, coupé de notre conscience lucide, nous entraîner dans le lien d’emprise.

Notre volonté nous permet de canaliser notre sentiment d’admiration lorsque le spectacle peut être trompeur.

Au regard de la construction de soi le constat est le même. L’escalade aux manifestations spirituelles visibles crée une forte culpabilité chez les personnes n’entrant pas dans les critères. Le caractère d’élection divine des individus parvenant à obtenir des manifestations entraîne une estime de soi aussi élevée que la réputation spirituelle, et les jeux de dominant – dominé peuvent dès lors se mettre naturellement en place. Pour être reconnu il FAUT arriver à être exceptionnel, à avoir des manifestations. Il est question non seulement de l’estimation de nos capacités mais aussi de celle de notre “élévation spirituelle” et donc de notre qualité humaine (équilibre, alignement, bienveillance, lumière…).

De la culpabilité du pêcher nous passons à la déception de ne pas être élu. Cette forme de violence de rejet est par ailleurs fondée sur de fortes illusions, puisque nos aptitudes énergétiques comme toute autres (physiques, intellectuelles, etc.) se développement par l’entraînement. Certains individus disposeront de prédispositions évidentes comme dans tout autre domaine, et personne n’est privé de résultats avec patience et écoute de soi.

Nous observons également de fortes réactions qui peuvent s’assimiler à du trauma léger chez les personnes qui entament un entrainement généralistes aux disciplines énergétiques. Plus que dans tout autre secteur, les nouveaux sont prêts à tout abandonner dès les premières tentatives n’apportant pas de résultats visibles. Déconstruire l’idée d’un don inné pour apprendre pas à pas à écouter sa nature propre et les aptitudes qui ne manqueront pas de s’y exprimer est un parcours du combattant pour la plupart de nos élèves.

Nous pouvons actuellement considérer que le conditionnement issu d’une pression sociale de reconnaissance des seuls et uniques dons innés impacte négativement l’ensemble des disciplines énergétiques, associées ou non aux spiritualités qui véhiculent de telles pensées. 

Identifier les facteurs de hiérarchies spirituelles

Si l’échelle de valorisation des individus en fonction de manifestations énergétiques arbitraire peut changer d’une communauté à une autre, il est tout de même des classiques que nous pouvons identifier et désamorcer. Pour notre plus grand plaisir, voici un horizon des principales valorisations injustifiées :

  • Le taux vibratoire : Issu d’un détournement de l’échelle Bovis (outil de radiesthésie permettant d’estimer la quantité d’énergie d’une objet, d’une personne ou d’un lieu), l’évaluation du taux vibratoire d’un individu en spiritualités fait l’objet d’une surenchère constante. Nourrie par l’amalgame entre quantité d’énergie produite par une matière (variant légèrement chez un être humain en fonction de notre entraînement énergétique) et estimation de la “qualité spirituelle”, l’escalade des nombres est un des grands passe-temps des hiérarchies spirituelles. Si un être humain, même avec beaucoup de magnétisme, se situe entre 3000 et 8000 Unité Bovis, nombres d’être très spirituels mesurent leur propre énergie à 180 000 Unités Bovis (correspondant aux pyramides d’égypte), 800 000 Unités Bovis (non représenté sur l’échelle d’origine) ou 2 000 000 d’Unités Bovis (toujours pas représenté sur l’échelle d’origine).
  • La vision des auras et des chakras : Outils de structuration des bilans énergétiques, les chakras et l’aura sont des concepts qui nous permettent de faire le lien entre l’énergie d’une personne et sa dynamique physique ou psycho-émotionnelle. Un bilan de l’aura et des chakras adapté à l’individu passe par le dialogue, quel que soit le pouvoir d’intuition de l’accompagnat·eur·rice. Les ressentis du·de la praticien·ne sont confrontés au témoignage de l’accompagné·e pour avancer ENSEMBLE vers la réalité de la situation. Pourtant nombre de praticien·ne·s n’hésitent pas à s’appuyer sur un “don” de vision des auras pour affirmer connaître l’état de l’autre sans s’encombrer de son propre témoignage. Cette méthode de “diagnostique” énergétique dispose d’un fort pouvoir de persuasion. Les personnes n’osent pas contre-dire un être aux pouvoir supra-naturels, et sont tentés d’adopter la lecture faite de leur être sans se connecter à leur écoute intérieure.
  • La médiumnité de naissance : Tout comme la vision des aura et chakras, la médiumnité innée, ou capacité à recevoir des messages des défunts, anges, divinités ou guides, est un “don” classique puissamment implanté. Il apporte à s·on·a détent·eur·rice une autorité naturelle sur autrui. Les messages reçus sont bien souvent transmis sans demander un consentement ou sans vérifier l’affinité du·de la receveu·r·se avec l’élément transmis. Rappelons que même une intuition extrêmement efficace reste partielle, subjective, et fortement implantée dans les affinités personnelle du·de la médium. Vous avez tout droit d’accepter ou non de prendre connaissance de cette intuition, et toute légitimité d’adopter ou d’abandonner un message en fonction de la résonance qu’il aura avec votre propre vie. Par leur aura d’autorité, les messages d’un·e médiums peuvent s’implanter profondément chez les individus sans que ces derniers ne parviennent à se défaire des doutes, attentes, ou conditionnements générés. Les contraintes qui accompagnent ces état peuvent s’installer durablement dans leur vie.
  • Les images en méditation : Une confusion majeure circule entre “sentir” et “voir”. Lors des séminaires pour débutants, il nous faut régulièrement déconstruire l’idée que de grande images sont signe d’un lien exceptionnel à la pierre ou d’aptitudes de méditation supérieures. En réalité, des images peuvent être porteuses de ressentis, mais aussi d’idées, d’envies et de fantasmes qui nous détournent de notre état du moment et de nos intuitions significatives. Il est souvent nécessaire de toucher au sensations pures pour que les images deviennent “pleines” et significatives. Pourtant il est indéniable qu’une surenchère aux images et bel et bien installée dans les pratiques spirituelles. On ne dénombre plus les personnes pendant avoir vécu une expérience porteuse d’un message ou d’une mission en trouvant à l’intérieur d’elles des représentations typique des spiritualités modernes, appartenant au collectif et non à leurs archétypes intimes.

On pourrait encore parler de nombreux “dons” générant des réactions exaltées avant même d’approcher de l’essence des pratiques impliquées. Des pendules qui bougent (sans vérifier l’authenticité des réponses) aux manifestations d’animaux chamaniques ou de nos défunts lors des exercices méditatifs, toutes les réactions démesurées et hâtives aux manifestations énergétiques s’appuient sur le même socle : Considérer comme surnaturels et signaux d’un individu exceptionnels des phénomènes qui font partie du parcours naturel de tout énergéticien·ne sachant faire preuve de patience et d’écoute de soi dans ses avancées.

Vers une valorisation intérieure et centrée

La problématique majeure des hiérarchies spirituelles induites n’est pas tant de voir des individus s’enfermer dans une valorisation hâtive nourrie de confiance construite de toute pièces par l’effet communautaire, mais bien de voir des individus perdre leurs repères et entrer dans une nouvelle vulnérabilité.

Une seule expérience dans un groupe inconscient de ses jeux de hiérarchie spirituelle peut durablement marquer un individu, le coupant de son écoute intérieure, bloquant l’émergence de ses aptitudes propres au profit d’attentes qui ne lui correspondent pas, et l’enfermant dans une déception ou culpabilité de n’avoir rien de spécial.

Déconstruire l’idée que seuls quelques individus disposeraient d’aptitudes énergétiques, ou que seules certaines manifestations normées soient dignes d’être considérées comme bonnes et bienveillantes devient un nouveau sujet d’effort et de travail sur soi. La difficulté d’acceptation de soi rencontrée dans ce cadre est entièrement provoquée par l’expérience spirituelle de groupe.

Notons également que plus l’emprise d’un groupe, d’un·e mentor ou d’un·e leader est forte, plus la hiérarchie se maintient malgré l’envie du sujet de s’en défaire. Les sensations de déception et de dévalorisation se perpétuent alors, même si la personne concernée n’y adhère pas mentalement. L’influence est irrationnelle et conditionne notre échelle de valeurs interne.

Il est ainsi urgent que nous proposions des modèles autres de spiritualité. Plus centrée, plus en accueil des aptitudes propre à chacun et des multiples formes que peuvent prendre l’intuition et les aptitudes énergétiques des être humains.

L’engagement à l’accueil de la multiplicité des spiritualités est ainsi un engagement très fort en Lithosophie. Il nous permet de laisser une à toutes les formes d’inspiration de l’être humain, pour que l’individu puisse se diriger en connaissance de cause vers des communautés transparentes aux valeurs claires.

Do & Don’t

Clés d’équilibre relationnel

Garder confiance

Même face à des aptitudes qui m’impressionnent, je reste seule témoin légitime de mon écoute intérieure et de mon équilibre.

Laisser le temps

Mes qualités personnelles ne dépendent pas de mes talents énergétiques. Je laisse le temps à mes vrais potentiels d’apparaitre et de s’épanouir.

Valoriser notre naturel

Mes meilleures aptitudes peuvent être intellectuelles, physiques, relationnelles,et non énergétiques. Et c’est parfait ainsi ! Tout talent bien valoriser m’aidera à avancer vers les pratiques énergétiques qui me plaisent.

Le besoin de validation

Garder mon axe face à des personnes qui évaluent et jugent par hiérarchie spirituelle est un vrai tour de force ! cela nous demande de la force de caractère et de la détermination. Je guette ma tentation à céder aux valorisations extérieures qui coupent mon écoute intérieure.

C’est également un moyen pour nous de faire cohabiter construction de soi et inspiration spirituelle. Si l’influence insidieuse, non annoncée, qui refuse de se caractériser, est source d’emprise aliénante, le choix d’une voie spirituelle et l’engagement volontaire vers elle est constructeur de notre identité et de notre évolution de vie.

Pourtant nous luttons activement contre les flous de la spiritualité, se revendiquant dans la bienveillance sans s’encombrer du consentement éclairé des individus. L’absence de définition favorise l’entrée dans nos instincts, tandis que la dynamique de valorisation et orientation des attentes spécifiques entraîne l’installation des hiérarchies observées dans cet article. Si tous ces processus sont involontaires ils n’en restent pas moins incompatibles avec un processus de connaissance de soi. Lorsque notre vase est plein d’une identité forgée par les codifications implicites du groupe, il ne reste plus de place pour nos évidences et choix, réels alliés de notre épanouissement d’existence.

Rappelons enfin que les réactions des communautés spirituelles enthousiastes face à toute critique ou prise de conscience structurelles (comme nous nous permettons de le faire dans cet article) sont souvent d’une agressivité et d’une violence morale considérable. Les valeurs d’amour et de bienveillance, peuvent dans ce milieu disparaître sans prévenir dès lors que des contradictions ou observations sortant du cadre apparaissent.

Il n’est pas rare face à des prises de position comme les nôtres de voir des individus accuser plutôt que discuter, détruire plutôt de comprendre les situation différentes et plus vulnérable que la leur face à un tel fonctionnement. Nous en appelons donc au calme face à cet article. Il n’a en aucun cas pour but de limiter les pratiques spirituelles ou de bannir une quelconque forme de croyance. Nous rappelons que les symboles du Nouvel Âge utilisés par les communautés de lithothérapie sont communément intégrés, étudiés, et partagés avec bienveillance par la lithosophie.

L’appel de cet article est celui d’un éveil à l’équilibre, à l’intégration des manifestations énergétiques comme une partie évidente de notre réalité, à l’acceptation d’un éveil des individus à eux mêmes selon leur propres manifestation. En partage, découverte mutuelle, et enrichissement, plutôt qu’en modèles extérieurs, fascinations, et idéalisations. En nous trouvant, plutôt qu’en perdant notre chemin.

Merci de votre compréhension !

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