Appel à la bienveillance
L’article qui suit aborde le sujet sensible de l’emprise qui s’installe dans une relation d’accompagnement. Si dans de rares cas ces liens peuvent être installées intentionnellement pour en tirer un bénéfice, la grande majorité des situations d’emprise ne sont absolument pas calculées et prennent place malgré de bonnes intentions. Nous invitons chaque personne à trouver le juste équilibre entre limites saines et préservation de la relation de confiance sans condamner ni juger.
La lithosophie se construit en parallèle et en séparation nette de la lithothérapie. Pourquoi un tel choix alors que le terme de lithothérapie est plus diffusé, et le suffixe “-thérapie” plus naturellement associé à l’accompagnement de réalisation de soi qui est l’essence même de la lithosophie ? Une des grandes raisons de ce positionnement affirmé touche la nature même des relations d’accompagnement. Malgré les discours bienveillants et le nombre croissant de vocations, de trop nombreuses pratiques de la lithothérapie n’intègrent pas la conscience de la relation d’emprise et de ses conséquences : la coupure de la construction personnelle de l’accompagné.
Ce constat est difficile à intégrer. Tout comme nombre de prises de conscience éthiques, la pilule rouge a du mal à passer, nous ne voulons pas y croire, nos instincts nous poussent à faire durer autant que possible ce sommeil si confortable. Et pourtant nous parlons de la possibilité de chaque personne d’exister telle qu’elle est, de notre chance dans cette vie d’atteindre un épanouissement harmonieux, et de notre droit à être intimement respectés. Rien de tout cela n’est anodin, et confortable ou pas il nous faudra voir et canaliser cette ombre du soin d’autrui.
Le chemin n’a pas à être une souffrance pour autant, et pour gagner au plus vite une paix et une confiance nouvelles il nous faudra faire appel à notre clarté d’esprit. Loin du diabolique mental qui nous enferme en nous privant de nos sensations, les prises de conscience éthiques sont la lumière qui nous rapproche de ce qu’il y a de mieux pour nous et pour l’autre. Suivons le lapin blanc.
Qu’est-ce que l’emprise d’accompagnement ?
Dans toute situation d’accompagnement, nous sommes amenés à entrer en lien avec l’autre. L’accompagnateur apporte ses compétences et aptitudes, et l’accompagné apporte sa vie, sa situation, pour la faire évoluer pas à pas vers un mieux.
Une relation d’emprise s’installe non pas dans les discours, mais bien dans la situation de faits. C’est au moment du bilan final d’un travail que l’on peut, avec du recul, constater si l’emprise s’y est insinuée et à quelle proportion, avec quelles conséquences.
Tel est le cas lorsque d’une manière ou d’une autre, volontaire ou non, les besoins, affinités, ou bénéfices de l’accompagnateur·rice ont pris le dessus sur ceux de l’accompagné·e. L’emprise peut prendre différentes formes, s’installer par différentes voies, mais le résultat est toujours le même : L’accompagné·e s’installe dans une voie d’adhésion à son accompagnateur·rice, et non d’adhésion à soi comme le nécessite la construction de notre être. Elle apparaît dans toutes les formes de soutien humain, qu’il soit thérapeutique, médical ou simplement amical.
Nichée dans les décalages entre nos prises de conscience et nos instincts, l’emprise se nourrit d’une réalité que nous tendons naturellement à refuser :
Un·e professionnel·le qui nous accompagne ne peut pas partager les mêmes affinités que nous. Chacun est soi, unique.
Rien d’étonnant donc à ce que le phénomène d’emprise s’installe en bonne place dans la lithothérapie. Une discipline jeune se doit immanquablement d’en passer par là. Pour que la maturation d’un métier de soin de l’autre puisse se faire, il est en revanche essentiel qu’une remise en question de nos comportements naturels dans la relation à l’autre apparaisse. C’est l’étape où nous sortons d’une infantilisation rassurante, où nous constatons les bienfaits de nos bonnes intentions mais également les problématiques qui s’installent malgré elles. C’est l’étape où nous entrons dans la construction d’une responsabilité, d’une éthique.
Réaction de refus
Elle apparait en nous lorsqu’une remise en question touche un point précieux pour nos repères instinctifs. Il nous faut alors observer la situation avec lucidité pour choisir de garder ce refus ou de l’assouplir pour notre bien.
Plusieurs influences en lithothérapie empêchent l’installation de cette prise de conscience éthique. Elles passent par nos plus beaux alliés. Notre confiance en ombre, devenue aveuglement, notre spiritualité en ombre, devenue embrigadement, notre sagesse en ombre, devenue certitude sourde aux observations…
Outre la tendance de notre culture à ignorer les témoignages qui provoque déjà de fâcheuse conséquences dans les soins à l’autre conventionnels, la lithothérapie souffre de la proximité avec la spiritualité. Si notre sentiment de foi est source des plus exaltantes expériences de vie, il tend également à nous fusionner, nous confondre avec le monde et les autres, et ainsi à couper le lien à soi. Ecoute, affirmation et respect de notre être deviennent plus faibles lorsque nous nous abandonnons aux excès du sacré.
Suis-je dans une relation d’emprise ?
En nous attirant vers ce qui nous fait du bien, nos instincts nous conduisent vers les précieux sentiments de confiance et d’adhésion. Ces mêmes sentiments, lorsque nos capacités d’écoute et de conscience de soi ne sont pas suffisamment développées, peuvent nous conduire dans une relation d’emprise sans crier gare ! L’emprise n’est donc pas issue des seuls actes d’un·e accompagnateur·rice tirant avantage de notre ouverture, pas plus qu’elle n’est de la responsabilité de la personne qui s’est abandonnée. Son installation est naturelle !
Il est en revanche de notre responsabilité d’être observateurs de ce que nous vivons et d’apprendre de nos expériences au cours de notre vie. Aucun accompagnateur·rice n’arrive au monde en sachant limiter l’emprise. Aucun individu n’arrive sur terre en sachant l’identifier avant qu’elle ne s’installe. Tout cela fait immanquablement partie des acquis de notre expérience de vie qui nous permettent de poser la juste frontière pour nous entre lien bénéfique et entrée dans l’emprise. Le processus est le même pour chaque individu : Rencontrer l’emprise, en identifier les limites néfastes pour soi (différentes d’une personne à une autre), puis les canaliser à l’avenir.
Les signaux à observer dépendent de notre position dans la relation d’emprise. Comme dans tout type de rapport humain inéquitable, chacune des deux parties y occupe une place nécessaire pour que l’ensemble se maintienne. Voici quelques critères que nous pouvons garder sous surveillance :
Je suis en position de réceptivité
Accompagné·e, Caractère de soutien, Dépendance financière, Fragilité sociale, Estime et affirmation de soi peu développées.
Confiance absolue
Dans cette relation j’ai tendance à avoir foi en la personne qui me fait face quoi qu’il arrive. Je ne vérifie pas les dire et bannis les discours différents. Je n’aimerais pas qu’on m’en veuille de douter. Si je ne vais pas mieux c’est parce que je n’ai pas assez essayé.
Exemple : Soins à distance en aveugle.
Admiration arbitraire
La personne qui me fait face a des capacités ou des moyens que je ne pourrai jamais avoir. C’est du moins la sensation que j’ai. Le soutien qui m’est apporté ne vient pas des compétences de l’autre, mais d’une nature qui est différente de la mienne et plus fiable pour assurer mon bien.
Exemple : L’autre a des dons de naissance.
Adoption des enjeux extérieurs
Avoir un regard extérieur me rassure. Je préfère être diagnostiqué plutôt que de me tromper, même dans les domaines les plus personnels de ma vie. J’ai l’habitude que l’autre me dise ce qui va et ne va pas chez moi, qu’il me décrive ce que je vis et pourquoi.
Exemple : J’accepte qu’on me révèle mon être.
S'économiser l'écoute de soi
Je n’ai pas l’habitude d’écouter mes sensations. Mes émotions me perturbent plus qu’elles ne m’éclairent ou me nourrissent, et je n’ai pas l’habitude de comprendre mes réactions instinctives. Dans cette relation, l’autre ne m’y invite pas ou me conforte dans mon malaise.
Exemple : L’autre limite mes témoignages.
Je suis en position de responsabilité
Accompagnateur·rice, Caractère de leader, Domination financière ou sociale, Estime et affirmation de soi développées.
Exiger d'être cru en toutes circonstances
Voir l’autre douter me met mal à l’aise. Lorsque je n’ai pas confiance en mes propres capacités ou résultats, j’ai pour réflexe de rassurer, de prendre les choses en main, ou d’encourager l’adhésion. Je peut parfois culpabiliser celui qui ne me suit pas dans ma voie.
Exemple : Vous manquez d’élévation spirituelle.
Impressionner, jouer d'esbroufes
J’ai mis une grande énergie à avoir confiance en mes aptitudes uniques, que je met en avant. J’ai le sentiment qu’impressionner est la clé de ma réussite, de ma sécurité ou de ma réalisation. Lorsque d’autres reconnaissent mes aptitudes je me sens enfin à ma place.
Exemple : Ma confiance me donne autorité.
Projeter nos réponses sur l'autre
Je suis là pour être en charge, pour comprendre, voir et répondre. Mes aptitudes uniques me permettent de sentir l’autre là où il ne se ressent pas et d’apporter les meilleures solutions à ses besoins. Mon rôle est de lui montrer le chemin.
Exemple : Je ressens la bonne pierre pour toi.
Ignorer ou dénigrer les témoignages
Je ressens les dires de l’autre comme peu fiables. Il ne peut pas savoir mieux que moi puisque j’ai les aptitudes nécessaires. Je n’ai pas l’habitude de demander des détails à l’autre sur ses préférences, ses envies, ses ressentis, et n’ai pas l’habitude de me servir de ses réponses.
Exemple : Non vous ne pouvez pas avoir mal.
Certains de ces réflexes existent dans des métiers plus institutionnels que les disciplines énergétiques. On pourrait citer la prise en charge de la douleur dans la médecine actuelle et notamment lors des accouchements, ou encore la tendance de la psychanalyse à finaliser le diagnostic de l’individu par interprétation de ses rêves et lapsus sans intégration de ses propres ressentis.
Soyons donc indulgents avec nous-mêmes, la conscience des dominations involontaires et des violences psychologiques qui les accompagnent est très récente. Nous commençons à peine à transformer en profondeur notre compréhension des relations humaines et à identifier l’origines de nombreuses problématiques. Si nous avons toujours conçu l’existence de la manipulation et de ses méfaits intentionnels, la conscience d’un lien néfaste qui s’installe en toute bienveillance et consentement est très récente et demande à chacun·e d’accorder son propre équilibre.
Pourtant nous ne devons, ne pouvons pas céder à la complaisance. Notons que même dans les cas de domination psychologique les plus dramatiques le·a dominant·e n’arrive pas dans la plupart des cas à admettre les problèmes posés par ses comportements (tout comme la personne dominée n’ouvre souvent pas les yeux sur les problématiques de son manque de préservation). Même face à une démonstration des conséquences concrètes, un caractère dominant aura la sensation profonde que l’autre n’a pas dit non, a fait preuve de faiblesse, a souhaité cette situation… C’est là le véritable propre de l’Ego qui nous donne la sensation que ce que nous faisons et vivons est naturel. Plus l’Ego est fort plus il nous aveugle aux remises en question, même face à des constats graves.
Identifier ma frontière de l’emprise
Nous l’aurons compris, l’emprise n’a pas une frontière universelle, chaque individu dispose de sa propre réaction aux influences extérieures.
Plus nous avons appris à nous construire en conciliation avec les attentes des autres (pour être gentil·les, pour être aimés, pour être en sécurité…) plus nous avons de chances d’entrer dans une emprise néfaste sans nous en rendre compte. Nos instincts sont alors préparés pour cela, et il nous faudra apprendre grâce à nos efforts à poser la juste limite. D’autres personnes auront un système interne d’affirmation des besoins plus expressif et pourront souffrir d’insatisfactions ou d’humeurs négatives venues de nulle part, sans forcément comprendre qu’elles viennent avertir d’influences ou de situations environnantes qui ne correspondent pas à soi.
On trouve également des personnes pour qui le modèle extérieur adopté sous fort lien d’influence est satisfaisant et qui constateront avec écoute de soi que tout est vraiment ok. Vous avez alors eu la chance de rencontrer une influence qui vous correspond et qui, même sans veiller à votre écoute a pu s’avérer bienfaisante. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas, ni dans cette relation ni dans d’autres, et il est bon de profiter de ces bienfaits pour entrer dans une construction de soi avec de bonnes ressources intérieures.
Pour trouver ma frontière de l’emprise je peux observer :
- Mes réactions instinctives : Si elles ne sont pas positives, je ne suis pas en confort. La situation vécue me force à sortir de ce qui est déjà en moi. Si je rencontre une crise intérieure, mes instincts m’alertent que la direction, le rythme ou la nature des relations ne convient pas à mes besoins à cet instant de ma vie.
- Les retombées sur ma vie : Si elles correspondent à mes envies, mes rêves, mes aspirations alors je suis sur la bonne voie pour moi. Si elles n’y correspondent pas ou si je ne suis pas connecté·e intérieurement à mes envies, mes rêves, mes aspirations ressentis comme des évidences, alors je sur la voie d’un·e autre.
Notons enfin que l’environnement social joue énormément sur la dose de contrainte intérieure que nous intégrerons sans nous en rendre compte. Plus les personnes autour de nous sont nombreuses, appréciées, et considérées, plus nous irons naturellement dans le sens du groupe au détriment de nos signaux personnels.
Lors d’un véritable accompagnement thérapeutique l’espace-temps de la séance se doit d’être strictement personnel. L’accompagnateur·rice est présent pour vous inviter à l’exploration de vos propres besoins hors de l’influence du groupe, des impératifs extérieurs et des jugements de valeur. Il·elle vous aide enfin à intégrer ce que vous découvrez de vous-même aux contraintes extérieures qui vous entourent.
Comment sortir d’une emprise néfaste ?
La relation d’accompagnement est un excellent terrain pour vous entraîner à poser la limite d’une emprise identifiée comme problématique pour vous.
Identifier un tel lien ne nous dispense pas du respecter envers l’accompagnateur·rice, notamment lorsque ce résultat n’est pas issu d’une domination violente. En revanche il nous est possible d’y affirmer en toute sécurité que le travail proposé ne correspond pas à notre étape actuelle de vie ou à nos besoins. Nous entraînons alors notre capacité à dire non et à décevoir l’autre pour respecter nos sensations. Elle est précieuse.
Respect de soi
Il ne se trouve pas à notre capacité à correspondre aux contraintes des autres ou de la société, mais dans l’effort de dire non, de faire respecter notre limite, pour assurer la place de nos besoins.
Dans les relations intimes ou professionnelle nous pouvons rencontrer des barrières plus difficiles à franchir. Les risques encourus lors de la sortie d’une relation d’emprise viennent du pouvoir d’action qu’un Ego déçu pourra avoir sur notre vie. Dans les situations les plus graves nous ne sommes plus dans des problématiques de coupure de l’écoute de soi, mais dans des cas très destructeurs de perversion narcissiques ou de harcèlement.
La négation la plus efficace du miroir désagréable que nous renvoyons en choisissant de dire non est de faire céder ce dérangement. Là encore ces attitudes sont des réactions instinctives et non des actions claires et intentionnelles. Lorsqu’une personne dominante fait appel à des violences psychologiques ou à des pressions sociales pour prendre le dessus sur votre sensibilité il est conseillé d’isoler autant que possible votre vie de la sienne en préservant autant de forces et de soutiens que vous le pouvez. Même si un tel changement de cadre vous demande de grands sacrifices il est également la promesse d’une construction de vie plus respectueuse de vous-même à l’avenir.
Et notre spiritualité ?
Si la relation d’emprise s’insinue avec une facilité très accrue dans le cadre de notre spiritualité, cette dernière n’est pourtant pas à abandonner. La spiritualité est le siège de notre lien au sacré sous la forme qui nous inspire, elle est à l’origine de nos valeurs, motive notre sagesse et nous pousse vers la réalisation de notre potentiel de vie. Dans certains cas elle est le socle du lien à nos proches, à notre communauté… En un mot, elle est précieuse et essentielle. Même lorsque l’individu n’adopte pas une voie spirituelle ou religieuse, les sentiments de foi s’investiront dans la science, dans des convictions et des idées. L’être humain a tout simplement besoin de spiritualité pour trouver la pleine richesse de son existence.
Alors comment limiter l’emprise dans notre cheminement spirituel et en faire une richesse plutôt qu’une entrave ? Bien que plus difficiles à appliquer dans ce cadre, les consignes restent les mêmes :
- Restez à l’écoute de vous : Il existe de nombreuses forme de spiritualité dans le monde. Si une voie éveille en vous des états de crise il peut être bon d’envisager de nouvelles explorations, même si cela vous paraît difficile.
- Observez l’impact de votre spiritualité sur votre vie : Votre cheminement spirituel a-t-il des résultats bénéfiques, pour votre équilibre personnel et quotidien, pour votre lien à vos proches, pour le sens donné à votre chemin sur cette terre. Donnez-vous de temps en temps l’occasion de faire ce bilan.
Si de forts sentiments de culpabilité vous empêchent de réaliser ces prises de recul c’est que la spiritualité dans laquelle vous évoluez vous implique d’ors et déjà un lien d’emprise. Nous sommes alors face à une question très personnelle pour laquelle il convient d’être indulgent envers soi-même et de respecter notre rythme. Trouver l’équilibre entre notre propre épanouissement et le soutient absolu que nous apporte une spiritualité est un processus intime et délicat qui n’appartient qu’à la personne qui le vit.
Tout comme l’écoute de soi, le respect de soi ne nous est pas inné. Il s’acquiert, se consolide et s’ajuste tout au long de notre existence. Rappelons-nous que le but n’est pas la fin du chemin mais le chemin lui-même… Chaque amélioration de votre acceptation intérieure, chaque allègement de notre culpabilité à choisir le bon pour soi, chaque réorganisation de votre vie pour une meilleure correspondance à votre naturel sont des réussites considérables qu’il convient de célébrer avec fierté !
Bonjour, super article! Je réalise aussi des soins et formations. Une règle qui demande une vigilance constante.
Merci pour tous les détails apportés qui sont rarement abordés.
Beau travail